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Jean-Claude Bélégou cinéma numérique : UN ÉTÉ OISIF 2017 (extraits)

UN ÉTÉ OISIF est un long métrage durée 1h03

Tourné l'été 2017 en de longs plans séquence, il consiste surtout dans l'enregistrement de lentes oscillations de lumières, passages du soleil à l'ombre ou de l'ombre au soleil, selon les variations du ciel, également de lents et infimes mouvements sur le corps du modèle. Faisant écho à LA CLÔTURE il est avant tout témoin de l'extrême attention de l'artiste aux altérations des poses et des éclairages.


"Mon occupation principale consistait à regarder la lumière du soleil et ses aller-et-venues sur les sols, en particulier sur le plancher de la bibliothèque dont la teinte chaude du bois semblait faire écho à la torpeur des rayonnements de midi.
Pour elle je pouvais rester des heures entières sans m'en distraire songeant à cette Pensée dans laquelle Pascal écrit que tout le malheur des hommes vient de ce qu'ils ne savent demeurer en repos dans une chambre. "

 

 

 

 

 

 
J'avais loué cette maison pour l'été. C'était une grande bâtisse très ancienne à la campagne. Ce qu'il est convenu de désigner par l'expression maison de caractère. J'avais besoin de me retrouver absent de tout, renvoyé à moi-même, autant dire à rien. Mon occupation principale consistait à regarder la lumière du soleil et ses aller-et-venues sur les sols, en particulier sur le plancher de la bibliothèque dont la teinte chaude du bois semblait faire écho à la torpeur des rayonnements de midi. Pour elle je pouvais rester des heures entières sans m'en distraire songeant à cette Pensée dans laquelle Pascal écrit que tout le malheur des hommes vient de ce qu'ils ne savent demeurer en repos dans une chambre. Seulement lorsque cette lumière disparaissait, le soleil tournant, je pouvais quelquefois lire ou plus rarement, si difficilement, écrire. À vrai dire, surtout, j'allais et venais comme dans une salle des pas perdus. Je l'ai dit, je ne pensais surtout à rien, ce n'était pas une formule, telle qu'on l'emploie lorsqu'on n'a pas le désir de livrer ses pensées à l'autre. C'était, malheureusement ou non, la stricte vérité. Au fil du temps, au fil des années, au fil des labeurs et des douleurs, je m'étais étiolé jusqu'à me vider tout à fait. Je regardais la lumière, spectacle fascinant, fragile, ondulant comme le mouvement des vagues sur la mer, quoique silencieux et lent. Ce silence, cette lenteur convenaient aussi. Ondulant au fil des nuages et des trouées, oscillant au détour des mouvements des rideaux au vent, se déplaçant, tournant lentement, apparaissant et disparaissant, s'élargissant et se rétrécissant, au fil des heures. S'éclaircissant, s'obscurcissant, tantôt chaude et brillante, tantôt froide et lasse ; la pure et seule lumière. En dehors d'elle il n'y a avait rien, nul événement, et ce rien me convenait parfaitement. J'avais choisi cette réclusion pour l'été. Le lourd portail métallique se refermant sur moi, les hautes et denses haies qui fermaient tout horizon, l'absence du monde. Être absent au monde. De la lumière, ce n'était pas la chaleur que je j'aimais ou recherchais, je la fuyais plutôt. Pas davantage dans cette lumière je pensais trouver Dieu ou je ne sais quoi, ou qui, qui lui ressemblât. Nulle transcendance, nulle symbolique ou mythologie. De la lumière j'aimais la pure matérialité, cette ondulation discrète et vivante, la pure sensualité telle que Bachelard la définit comme ce qui émerge de la matérialité même, de la corporéité, de la matière. De la lumière j'aimais en somme la (prosaïque) poésie. Mais ce qui me plaisait autant était que, pénétrant par les fenêtres à croisées, divisée par les petits bois. Cette lumière était cadrée, se dessinait en découpes nettes, définies, dont la géométrie rigoureuse pouvait s'agrémenter de l'ombre d'un rideau, d'un feuillage ou d'un nuage. Elle était vivante. Elle était la vie. Respiration. Matérialité immatérielle, incommensurable, insaisissable, on pouvait certes l'intercepter, faire écran, passant par exemple sa main entre sa source et son réceptacle, marchant au travers, allant et venant, faisant les cent pas, ce qui était une des façons que j'avais de ne songer à rien. Mais on ne pouvait la saisir et encore moins l'enfermer dans une boîte comme on peut le faire de la terre, de l'eau ou même de n'importe quel gaz. Elle était la liberté. Elle émanait absolue fille du feu. Elle était sœur de l'ombre. Tantôt je parcourais le même carré de lumière, tantôt j'allais d'un rectangle à l'autre, d'une découpe à l'autre, parcourant les pièces d'un niveau à l'autre de la bâtisse. Eté 2015   Nouvelles idées : J'occupais cette maison pour l'été, fille au pair sans père et sans enfants, fille à la mer, à la dérive. Les nuits d'été étaient courtes et claires, je cauchemardais Je me sentais comme une plante dont la chlorophylle…