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Jean-Claude Bélégou Chimères : LES BUCOLIQUES 2019/2021

 

 

"C'est la forêt, écrivait Claude Lévi-Strauss dans Tristes Tropiques, maintenant qui m'attire, je lui trouve les mêmes charmes que la montagne, mais sous une forme plus paisible et plus accueillante. D'avoir tant parcouru les savanes désertiques du Brésil central a redonné son charme à cette nature agreste qu'ont aimée les anciens : la jeune herbe, les fleurs et la fraîcheur humide des halliers (...) Un monde d’herbes, de fleurs, de champignons et d'insectes y poursuit librement une vie indépendante, à laquelle il dépend de notre patience et de notre humilité d'être admis. Quelques dizaines de mètres de forêt suffisent pour abolir le monde extérieur, un univers fait place à un autre, moins complaisant à la vue, mais où l'ouïe et l'odorat, ces sens plus proches de l'âme, trouvent leur compte. Des biens qu'on croyait disparus renaissent : le silence, la fraîcheur, la paix."

Paysages anonymes et familiers, fragments de nature, ou de ce qui en tient lieu, car si la nature est ce qui naît, se développe et meurt spontanément, en dehors de l'intervention, même lointaine de l'homme, il faut admettre qu'elle n'existe plus à l'état pur depuis très longtemps.
Rarement d'horizon, quelquefois un coin du bleu du ciel. Fragments, saisies, découpes.
Point de nostalgie. point d'écologie.
Le plaisir d'entrer dans la matière, cadrer, découper, figer, composer, bref, jouer avec les formes, les ombres et la lumière.
Comme le faisait remarquer Malraux (le musée imaginaire) un peintre qui peint des paysages, avant d'être un homme qui s'intéresse à la nature est quelqu'un qui s'intéresse aux tableaux.
Souvenirs de Le Gray, Corot, Courbet, Cézanne...
Photographier le paysage comme un corps, et un corps comme un paysage. En saisir la chair.
Franchir les ronciers, s'aventurer sur les fonds vaseux, gravir les chemins.
Il y a ce faisant un réel plaisir, une respiration, un sentiment de liberté, à errer, éloigné du centre de la civilisations, parmi ces végétations, herbes, frondaisons, prairies, eaux, roches et terre. Tel adolescent fuguer, déserter l'ennui des cours, et se perdre sur les quais d'un port.
Mais "faire des paysages" ne consiste pas davantage à se promener en attendant que "la belle image" surgisse devant soi, que "faire un nu" consisterait en un exercice de volupté.
L'image, il faut la créer de toutes pièces, la forcer à surgir, et en découdre avec le réel, toujours trop là, pour que dans cette foire d'empoigne avec l'imaginaire, advienne ce qu'on porte dans son propre univers, quelque part dans sa tête.
Faire que coïncident le dehors et le dedans, le réel et l'imaginaire.


Tirages jet d'encre pigmentaire 60 x 60 cm réalisés par l'artiste d'après clichés numériques.