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Jean-Claude Bélégou La revanche de la chair LE DÉJEUNER SUR L'HERBE (2001/2004)

 

voir la série déjeuner

 

 

Quelque part entre le déjeuner sur l'herbe (on pense au Giorgione revu par Manet revu par Picasso, etc.) et les grandes baigneuses (Cézanne, Auguste Renoir) ou Une partie de campagne de Jean Renoir. Mais la photographie n'est pas de la peinture : matérialité et naturalisme photographiques.

Une série sur le bonheur, la jouissance de la chair, de la lumière, de la chaleur, de l'herbe…

Retour à la mythologie : le Printemps de Botticelli, Apollon et Dionysos, les centaures de Picasso. Mais une mythologie moderne.


La série est créée en 2008-2009 au Fotografisk Center de Copenhague (Danemark - avec le concours de l'Ambassade France) puis à la Galerie Pierre Brullé à Paris, ensuite au Château d'Eau, à Toulouse, en juillet 2009.
Pour une autre part au FRAC Haute-Normandie en 2010 lors du premier festival Normandie Impressionniste.
Fotografisk Center, Copenhague ; Galerie Pierre Brullé, Paris ; Galerie Municipale Du Château D'eau, Toulouse ; Frac Haute-Normandie, Sotteville-Lès-Rouen.

Tirages jet d'encre pigmentaire 60 x 60 cm réalisés par l'atelier Franck Bordas d'après originaux argentiques numérisés.

 

 

Le Déjeuner sur l'Herbe

Sans doute parce que plus que jamais depuis 2000 mon travail, se situant dans l’héritage de l’histoire des arts figuratifs (dessin, peinture autant que photographie)  est un travail orienté vers « le tableau » images toutes précisément mises en scène, mises en forme, mises en lumière, mises en matière, imaginaire qui prend corps au travers de la matérialité photographique, couleurs franches, travail en moyen ou grand format, grande abstraction par rapport au temps comme par rapport à l’espace, il était naturel que la mise en œuvre de « compositions de groupes » vienne s’y insinuer.

L’héritage

Quelque part entre le Déjeuner sur l’herbe (on pense au Giorgione revu par Manet revu par Picasso, etc.) et Les grandes baigneuses (Cézanne, Auguste Renoir) ou Une partie de campagne de Jean Renoir, le titre de la série fait évidemment écho au tableau de Manet, il s’agissait de faire aussi réaliste (voire naturaliste) c’est-à-dire aussi actuel que n’avait été en son temps le tableau éponyme,  voire aussi scandaleux, non pas au sens de ce qui pouvait être montré du corps (encore que les pudibonderies n’ont pas manqué de réagir), que de l’esthétique naturaliste à l’œuvre, prenant le corps des modèles tel qu’il est, sans souci de canon ou d’idéal dans la lumière crue de l’été. Ainsi paraphrasant Courbet je pourrais écrire « je photographie ce que je vois » mais de la même façon :  je ne vois que ce que je crée.

Evidemment comme dans le déjeuner sur l'herbe de Manet, on ne mange pas, ou si peu : on lit, on sommeille, on se baigne, on se douche, on court, on joue, on saute... Et les fruits seulement surgissent par instants.

Du côté de l'histoire de la photographie, c'est plutôt de la photographie des années 30 dont je repartais : photographies du corps en mouvement, du sport, des vacances, ou naturistes.

La mythologie

Et que dans cette mise en scène de l'imaginaire, ici peut-être même du mythologique, toute trace de mise en scène, d'artifice puisse disparaître dans les images est une autre caractéristique de mon travail. Et s’il s’agissait d’un retour à la mythologie : Les Trois Grâces sous le jet d’eau de jardin, les Naïades baigneuses, les nymphes dormeuses, Epigées sauteuses, les Hespérides mangeuses…  ce devait être une mythologie moderne

Car c'est bien du mythologique, de l’apollinien et du dionysiaque dont il s'agit ici. Que la photographie puisse tirer du côté du mythologique apparaîtra à certains comme une hérésie, c'est pourtant bien là le cas, même si autre paradoxe il s'agit d'un mythologique païen, athée, tout en se situant dans la dimension sacrée qui le caractérise par nature. Le tragique et l’éternel retour contre les effets de surface d’une certaine photographie impressionniste.

La chair et la clôture

En outre il s'agissait évidemment de poursuivre mon travail sur le corps, il vaudrait mieux dire la chair, cette chair qui est habitée, jouit et souffre, cette chair qui ici se donne, s'offre à la fois à la vie, au bonheur, au végétal, à la terre et au ciel, à la lumière,  et à la fois à la photographie preneuse de lumière.  Une série sur le bonheur, la jouissance de la chair, de la lumière, de la chaleur, de l’herbe… C'est vraisemblablement la série la plus heureuse que j'aie jamais faite. Et comme toutes les œuvres de bonheur, car il s'agit bien d'images de bonheur, celles-ci s'est faite dans le tourment le plus complet. Hors de la souffrance, hors de l’ennui , lots quotidiens du mode, il n'y avait guère que le choix de la jouissance.

Toute la série est faite en extérieurs, au plein soleil, trois étés de 2001 à 2004, avec une myriade de modèles, toutes jeunes filles ou jeunes femmes, dans la diversité de leurs corps, de leurs modernités, réalisée entièrement dans la clôture de mes jardins. Depuis dix ans, si on excepte le travail sur le paysage industriel fait dans les environs immédiats et aussi les antipodes, je ne sors plus de cette clôture.

Car c'est bien là évidemment la nature même du photographique : l'imaginaire y devient réel, et toute photographie est par nature document. Mais ce document j'ai entrepris depuis des années, depuis trente ans, de le tirer du côté mental. Que la photographie puisse rendre compte, dans sa nature de document, non pas du réel mais du mental, documenter non pas le réel mais l'imaginaire, c'est ce à quoi je travaille depuis toujours.

La question du réalisme

D'autant qu'il ne s'agit pas de jouer de la dématérialisation de la photographie, ou de situer dans un néo-pictorialisme que j'abhorre, je me situe franchement dans la tradition de la Straight Photography :  hyperfocale, précision et réalisme du rendu photographique, ombres et lumières, contre-plongées, prises au ras du sol, etc. Et c'est bien en même temps la question du réalisme qui continue de me travailler ici, depuis mon passage à la couleur en 2000.

Mais qu'est-ce que le réalisme? Au fond je n'ai toujours pas de réponse, et lorsque je regarde les Demoiselles au bord de Seine ou l‘Origine du monde de Courbet, on voit bien ce que le terme réalisme peut situer comme opposition (l'Origine du monde en opposition à la Naissance de vénus de Botticelli par exemple)mais qu’ au fond pour définir le réalisme, il faudrait être capable de définir la réalité. Et ce qu'est la réalité, en soi, indépendamment du regard que nous avons dessus, de notre situation dans le monde, indépendamment de notre subjectivité, au fond nous n'en saurons jamais rien (n’en déplaise aux tenants d’une soi-disant objectivité). Peut-être c'est plutôt de vérisme que de réalisme dont il faudrait parler. Par exemple je prends les corps comme ils sont et ce réalisme n'est pas toujours sans heurter ni déplaire.

Pour le reste, on ne le dira jamais assez les vrais problèmes de l'art sont des problèmes de formes... De vie des formes. Le restant, hormis cette question insoluble du rapport à la réalité et du réalisme,  est finalement assez anecdotique. Ce fut un grand travail et une profonde satisfaction que cette nouvelle expérience formelle de l'occupation de l'espace de l'image, que ce nouvel engagement dans l’œuvre.

Jean-Claude Bélégou 21 février 2009

 

 

 

 

"Jean-Claude Bélégou is a «theory guy». He's been into photography since almost 40 years now, and his work involves a huge number of pictures, organized in series tracking his successive investiguations and experimentations on photography. Alone or inside a group of artists (like «Noir Limite» 1986-1993), he focused mainly on the following concepts : the human body and the notion of limit or border (between the fabric and the flesh, between the hair and the skin, between sleep and consciouness, between inside or outside, life and death, between real and unreal). Being an adept of the photography as an intelectuallized and organized art (versus spontaneity), his «world» often has an «unreal» or «dream-like» feeling to it. Indeed, it mimicks daily situation, but in a very artificial and scenarised way. Women being an obvious magnet for him and his art : it's obvious that he has a particular tenderness for young thin women with long brown hair :) Even if his website is a bit «dense» and disorienting, it's worth having a look at his different periods, especially «Premiers Visages», «Empreintes», «Les Vierges» or his most recent colour series. The website displays diptycs in an original manner : the image flickers into another as you pass the mouse on it. After a huge exploration of black and white technique, he recently switched to color photographs: Among his latter works, the serie called «Les Choses» is showing another facet of his work, away from the body, and yet not so far : even absent the body is evoked, by the juxtaposition of 2 pictures. This is typical, since his bodies of work are mostly sub-divided into diptycs, triptycs... like the two above. I'm not going to mention the numerous selfportraits, since every artist has to deal with his own image, and his aging too, but it's clearly not my favourite part."

photographeroftheweek.blogspot.com/2008/12/ PAR GUILLERMO.

 

 

"Les photographies de Bélégou m'ont toujours fasciné tant par leur écriture que leur sujet. Celles d'hier comme celles d'aujourd'hui. Créant un pont entre ses anciennes séries cérémonielles et celles plus récentes du quotidien, avec «Le déjeuner sur l'herbe» l'artiste instaure une autre jonction : avec la peinture et le cinéma. On pense à Giorgione revu par Manet et lui-même revisité par Picasso. On pense aussi aux baigneuses de Cézanne et de Renoir (Auguste) mais aussi à «Une partie de Campagne» de son fils Jean ou au film russe «Printemps tardif». Toutefois la photographie n'est ni la peinture ni même le cinéma. Et la «choséïté» naturaliste de la modalité esthétique choisie par Bélégou donne au bonheur, à la jouissance - à la fois pudique et parfois très impudique de la chair jouant avec elle même - quelque chose qui touche à une mythologie à la Botticelli. Toutefois Apollon et Dionysos, s'ils sont présents, n'»apparaissent» que hors-champ à travers le regard que le photographe porte sur trois femmes aussi lascives qu'aériennes. Devant l'objectif, elles s'abandonnent à la tendre indifférence du monde et se livrent à l'ivresse de la chaleur et du ciel bleu. Pas de jeux dangereux (ou presque - si ce n'est monde et se livrent à l'ivresse de la chaleur et du ciel bleu. Pas de jeux dangereux (ou presque - si ce n'est quelques vagues allusions saphiques), pas d'érotisation au premier degré juste le jeu des corps et de leurs formes sur le vert de la prairie normande, sous le bleu du ciel et dans les effets d'ombres et de lumière. Les femmes émergent de leurs bains (d'ombre, de soleil ou de source), vivantes, bien vivantes, devant et avant l'homme que la moindre crue asphyxie et que la pauvre jouissance paralyse. Le regard du seul mâle présent - le photographe - ne pétrifie en rien leur monde. Il le contemple, le saisit, en embrasse la mesure ou la démesure comme s'il laissait les femmes s'ébrouer devant lui, à son insu au moment où elles s'inventent une suite d'événements merveilleux, lumineux. L'artiste en recueille les contours et les jets lumineux en une feinte d'objectivité et comme sans y toucher mais au sein de chorégraphies et de pauses qu'il a sans doute initié. Parfois une fente bâille et salive et semble dire " Regarde ". C'est non une permission mais une obligation et Bélégou (qui ne pourra comme le voyeur qu'il convoque en faire plus) se souvient alors d'un conte arabe où le héros lorsqu'il tombe (le verbe est édifiant) amoureux s'écrie : «Image va sous mes paupières, entre dans le sang de mon corps». Bélégou lui même se livre à une chorégraphie. Il se lève, ou s'accroupit pour saisir ce que ses femmes dans le bonheur d'être en l'instant et en leur nudité éprouvent en restant éloignées de la souffrance et de l'ennui. Si de telles photographies choquent c'est uniquement parce qu'on n'est plus habitué à une vision d'un Eden, à une telle félicité. On ne peut que le regretter. Ici, il s'agit pour l'être de sortir de sa nuit et de revoir le jour dans ce qu'il a de quotidien (quelques herbes restent collées sur les fesses d'une femme) et de métamorphique. Au moment où trop de photographes magnifient des corps exsangues qui ne sont que des cintres, l'artiste redonne à la femme une ampleur et une amplitude qu'on a oubliées. S'élevant contre ce que Renoir nommait «le soupçon de nature», il l'affiche à travers les nudités sculpturales et parfois à peine cachée comme s'il était au pouvoir du sexe féminin non d'aiguiser l'excitation mais d'incarner une force vitale à travers une histoire de peau, de peaurnographie mais aussi de chair initiatique en une mythologie contemporaine. Loin du naturisme d'une part et de la fantasmagorie de l'autre, surgit une approche neuve d'un cops. On ne rêve plus de mettre la main dessus car le regard a mieux à faire qu'à se satisfaire à coup d'ersatz. Et si celui qui regarde «dévore» des yeux la femme, paradoxalement, dans son indifférence à la prise, c'est elle qui le dévore en se délivrant de lui et en appelant implicitement de ses voeux une société «amazone». Fidèle à la vie et au plaisir, Bélégou extrait tout ce qu'il y a de morbide dans l'art pour exposer une liberté de vie par un formidable travail de prise de vues. Celle-ci se dégage de toutes les techniques et manières que les photographes portent habituellement sur la femme en la réduisant le plus souvent du sujet en objet. L'artiste normand entame une procédure inverse et qui en fait le prix dans ce qui pourtant pourrait sembler tenir d'une iconographie «de genre». Mais s'il y a de la jouissance dans de telles photographies c'est non sur les désirs vicaires qu'elles pourraient susciter mais uniquement par l'idée de bonheur et de plénitude qu'elles font lever. En un tel dévoilement surgit la palpitation du vivant au sein même de poses qui n'ont rien d'orthodoxes et d'attendus. D'autant que le jeu des trois femmes n'est qu'un acte gratuit, de célébration my(s)t(h)ique au moment où le corps en devenant « la non-nubilité de l'âme» trouve dans la langue de Bélégou les formules qui ne font plus seulement du corps féminin un lieu mais un verdict."

JEAN-PAUL GAVARD-PERRET www.artpointfrance.info.

 

 

 

"This will be the last week to catch Jean-Claude Bélégou's fantastic series entitled «Le Dejeuner Sur L'Herbe» or «The Luncheon on the Grass», a series about happiness and the sensuality of flesh, light, heat and grass. You can check out his exhibition at the Pierre Brullé Gallery in Paris until the 20th ofJune, 2009.
Somewhere between Le Déjeuner sur l'Herbe (Giorgone, revisited by Manet, himself revisited by Picasso etc...) and Les Grandes Baigneuses (Cézanne, Auguste Renoir) or Jean Renoir's Partie de Campagne,Jean-Claude Bélégou's series explores a great tradition of the history of Art: the diversion of a work received as an artistic heritage. But photography is not paintingand Jean-Claude Bélégou's interest in painting isjustified by his search for materiality and naturalism.This series is also the opportunity to confront himself to compositions of pictures with several models."

PHOTOICON NEWS: Jean-Claude Bélégou - The Luncheon on the Grass.

 

 

"La Galerie Pierre Brullé (25 rue de Tournon, et nulle part ailleurs faute de site web) présente jusqu'au 28 juin "Le déjeuner sur l'herbe" par Jean-claude Bélégou.Sous le prétexte d'un déjeuner sur l'herbe, que l'on croit une référence picturale au tableau éponyme, comme en témoigne par exemple le travail de Philippe Mazaud (cf. billet ici ) il nous est donné à voir des nymphettes.Certes, de-ci de-là, les jeunes filles sont en présence de fruits, pommes pour l'essentiel et raisins mais, de déjeuner, il ne nous sera rien montré. Par contre, jeunes seins, fraîches fesses et cheveux mouillés dans la verdure abondent. On connaissait le flou romantique de David Hamilton ou l'obsession des naturistes nourrie par Jock Sturges, maintenant on découvre Jean-Claude Bélégou qui, a 57 ans, apprécie de photographier des jeunes filles dans les jardins fruitiers. Je n'ignore pas que ce photographe sera exposé prochainement à Arles et au Château d'Eau à Toulouse, deux signes de reconnaissance de son travail, mais pour moi il s'inscrit avec ce travail dans une veine photographique dont les motivations m'apparaissent pour le moins discutables (illustration ci-dessous tirée du site du photographe, ici), d'ailleurs, quelles sont-elles ?"

Galerie Pierre Brullé – Jean-Claude, Bélégou, Publié le 21 juin 2009 par Photoculteur http://photoculteur.wordpress.com/2009/06/21.

 

 

 

"Jean-Claude Bélégou est un mono maniaque polygame. Depuis 40 ans, il creuse le sillon de l'érotisme, en compagnie de femmes jeunes aux seins lourds. En 1999, Michel Dieuzaide l'avait exposé une première fois au Château d'Eau. Son univers intime s'affichait en noir et blanc dans des mises en scène simples et charnelles. Dix ans plus tard, tout est pareil… et tout a changé avec l'arrivée de la couleur ; de l'Ektachrome des familles imprimé numériquement par la grâce du jet d'encre. « C'est pour moi une redécouverte de la photo, avoue Jean-Claude Bélégou, avec de nouvelles compositions, d'autres harmonies ». L'artiste aime travailler à domicile, en l'occurrence dans l'ancien presbytère qu'il habite en Normandie depuis 15 ans. « Je connais les lumières mais j'essaye d'approfondir. Je suis tous les jours surpris. La vie n'est jamais figée ». Sur les cimaises du Château d'Eau, on apprécie ce jeu des formes et des couleurs ; le doux visage des belles endormies, leur grain de peau révélé par le soleil, quelques brins d'herbe collés sur les fesses. Par contre, l'exposition donne à voir trop de clichés éculés sur les femmes offertes, jambes écartées ou sous la douche ou une grappe de raisin à la main. Parfois, elles sont trois, allongées au milieu des pommes, et c'est bien sûr le fruit défendu. Passons… et gardons le souvenir de tendres moments à la campagne. Comme un été rythmé par les siestes crapuleuses et les orangeades bien fraîches. "

La Dépêche du Midi 04/07/2009 Jean-Marc Le Scouarnec Toulouse. Jean-Claude Bélégou déshabille les Femmes.

Cet article haineux a fait l'objet d'une réponse de JCB :

Je retrouve dans l'article signé Le Scouarnec qui fait référence à une de mes séries exposées au Château d'Eau dans le cycle La revanche de la chair : Le déjeuner sur l'herbe les mêmes réactions outrancières et outrageuses que, au dix-neuvième siècle, celles des critiques et du public mondain des salons face au tableau célèbre de Manet dans lequel un public, peu fait aux choses de l'art, ne voyait que le scandale ou la gaudriole d'une femme nue au milieu de deux hommes. Si mon travail a toujours été un travail sur l'intime c'est au sens étymologique du mot intimus, superlatif qui désigne ce qu'il y a de plus intérieur c'est-à-dire l'esprit. Le dénuement des corps n'est qu'un écho à cette préoccupation et à une tradition artistique occidentale qui depuis les Grecs de l'antiquité constitue un des fondements de notre culture. Que cette tradition du nu soit revisitée dans des approches contemporaines est le moins que je doive. Elle l'est dans cette série qui fait écho à une mythologie et à un souci de l'humain. Que certains n'y voient qu'une manifestation érotique d'une imagerie vulgaire constitue donc un contre-sens qui ne peut être dû qu'à leur aveuglement culturel. En outre mon travail est depuis toujours un travail d'artiste dans lequel les préoccupations formelles de couleurs, compositions, espaces tiennent au moins une importance aussi grande que le choix des « sujets ». Mon œuvre depuis 40 ans comporte aussi bien des paysages, des natures mortes, des autoportraits etc. J'y suis engagé et ce travail est un travail. Toute allégation sur ma personne et ma vie privée constitue donc un débordement offensant.

 

 

"Les impressionnistes influencent encore Les impressionnistes peuvent encore séduire les artistes d'aujourd'hui. Mais chacun tire de leurs oeuvres leur propre fil d'Ariane. «Je n'aime pas le côté gentillet des champs de coquelicots, reconnaît le photographe Jean-Claude Bélégou. Mais je me sens proche de ces peintres dans leur quête de réalisme et de lumière, dans leur façon de travailler en série.» Durant quatre étés, Jean- Claude Bélégou, amoureux du corps féminin, a réalisé dans son jardin normand une série de 150 clichés, intitulée Le Déjeuner sur l'herbe. Comme le tableau de Manet, ils évoquent les plaisirs de la chair et traînent dans leur sillage un parfum de fruit défendu. "

Annick Colonna-Césari, l'Express publié le 03/06/2010.

 

 

"Il fallait bien, comme pour contrarier les contempteurs de l'art actuel, que ce soit un fonds régional d'art contemporain, en l'occurrence celui de Haute-Normandie à Sotteville-lès-Rouen, qui, de toutes les impressions de ce festival, nous offre la plus sensuelle, la plus charnelle. Les douze photos de Jean-Claude Bélégou, en hommage donc à Manet et à Monet, sont à la fleur de la peau de ses modèles féminins aux formes rondes. Entres pommes et herbe grasse, on sent perler la sueur de la sieste."

Le déjeuner sur l'herbe |'Humanité.

 

 

"back to the colour squared photographs of his beginnings. Since 2000, he has continued his colour work realized on films, which are then digitalized. His colour works aren't as concerned with the lessons of the history of Photography, but with the lessons of the history of painting. His work is characterized by its sensuality and influenced in its form by a realistic approach. In 1969, Jean-Claude Bélégou began to practice photography on a regular basis, and from 1970 onwards, devoted himself to creation. At the same time, he pursues his degree of philosophy and history of Art and Archeology at Sorbonne University. He specializes in Aesthetic and dedicates his master dissertation on photography in 1976. Standing aside from his generation very much influenced by American photography, Bélégou refuses the neo-positivist experience of documentary style as much as the legacy of humanist photography. The German photography of the twenties (Bauhaus, Neue Sehen, Neue Sachlickheit, August Sander) had a strong artistical impact on him. The first exhibitions of his work were in 1980. He was immediately acknowledged by Claude Nori, Edouard Boubat, and Christian Caujolle. While continuing his photographic work, he created the association Photographies & Co in May 1982 within which he organized exhibitions, talks, seminars, training seminars, writings on other photographs, always willing to combine theoretical research to his work of creation."

PHOTOICON NEWS: Jean-Claude Bélégou - The Revenge of the Flesh.

 

 

"À la galerie Pierre Brullé, Jean-Claude Bélégou nous convie à un « déjeuner sur l'herbe ». L'occasion de découvrir l'une de ses dernières séries en couleurs, initialement présentée au Fotografisk Center de Copenhague, et surtout de pointer la grande cohérence d'une oeuvre. Dans la note d'intention qui accompagne ce travail réalisé entre 2001 et 2004, Jean-Claude Bélégou aborde la manière dont son exposition pourrait être envisagée. Il évoque un agencement reposant sur une image de très grande taille - une composition de groupe - autour de laquelle seraient placées plusieurs photographies de format moyen, chacune étant susceptible de faire écho à la scène centrale. Il dévoile également les deux axes de la série : d'une part, une référence explicite à l'histoire de l'art (de Botticelli à Renoir, de Giorgione à Manet et Picasso) ; d'autre part, la confrontation de son thème de prédilection - le corps mis à nu et mis en scène - avec ce mode d'exposition, choisi précisément parce qu'il permet de porter un regard inédit sur un sujet classique. Pourtant, en visitant l'exposition, on cherche en vain cette image centrale. Il y a bien ici trois femmes se rafraichissant sous un jet d'eau puissant, là deux ou trois belles endormies dont la pose rappelle le Sommeil de Courbet, mais un format unique pour toute la série. En définitive, Bélégou a soigneusement évité de représenter cette partie de campagne dans sa globalité. Sur le plan du temps, tout d'abord, la série isole plusieurs moments de la scène champêtre : pique-nique, jeux d'eau, bains de soleil, siestes, etc. Au mur de la galerie, ces activités sont redistribuées en alternant les plaisirs, sans se préoccuper d'une quelconque chronologie. Rien n'empêche de reconstituer l'ensemble : à miparcours, le sommeil suit le repas - ou l'amour. Sur le plan de l'espace ensuite, Bélégou se trouve au coeur de la scène qu'il a mise en place : la parcourant, il en retient quelques détails, prêtant une vive attention à la façon dont l'ombre et la lumière jouent avec la chair et la matière pour révéler la jouissance des corps. Parmi ces détails, les plus frappants sont ceux qui prolongent les travaux en noir et blanc du photographe, notamment le « Cycle des éléments » : de nouveau, la chair y est appréhendée comme une surface sensible réagissant au contact des éléments naturels, comme à celui du vêtement qui enserre et dont on préfère se libérer. Mais c'est bien par l'entremise de cette fragmentation imposée à la scène qu'il est possible de recomposer mentalement l'image centrale imaginée par Bélégou dans sa note d'intention. Davantage qu'une synthèse des oeuvres picturales citées explicitement, il s'agirait d'une image originale qui ne laisserait rien au hasard et revisiterait la peinture pour mieux s'en détacher. Pour Bélégou en effet, seule la photographie est à même de rendre compte de ce qui naît de cette confrontation des corps avec l'eau, l'herbe et le soleil : une harmonie, une sensualité particulière, ou plus précisément encore, la conscience troublante de l'infinie variété des couleurs de la chair."

Les couleurs de la chair ; par Damien Truchot.