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Jean-Claude Bélégou La Rémission de L'Ombre : ÉTUDES/HUMANITÉS 2011/2013

 

 

humanitéshumanités

 

Le projet est né des photographies de la série Études/Les modèles : atteindre une certaine vérité des personnes en les photographiant telles qu'elles sont, hommes, femmes de tous âges et tous physiques. Il y a dans la série une dimension réaliste, voire vériste, mais sans doute symboliste aussi. Il y a des plus ou moins vêtues, des dévêtues et donc ce sont en quelque sorte des portraits nus, si par portrait on entend le corps dans son entier et si on refuse, comme je l'ai fait, l'opposition corps/visage…


Pour les prises de vues, j'ai travaillé en général sur deux longues et silencieuses journées par modèle, en lumière du jour, de préférence plutôt grise, dans mon atelier : un mur, un lit, une chaise, le parquet, c'est un dispositif assez dépouillé et rudimentaire. Si il y avait des peintres ce serait entre Rembrandt, Karl Hubbuch et Lucian Freud, Hammerschoï... Si il y avait des photographes les quelques nus qui nous sont restés de Le Gray et E.J. Bellocq.

Retour au portrait donc, dénuement du décor, le toujours même mur, les toujours mêmes poses ou trames de déroulé des prises de vue, mise à nu des êtres, toujours la recherche d'une certaine Grâce, entendue au sens pascalien du terme, une certaine économie de moyens.
Plaquer là les modèles de circonstance, contre un mur gris, sur une chaise, un lit, le parquet et attendre, espérer la splendeur de la chair, le don.

Ce projet a reçu en mai 2012 le soutien du Ministère de la Culture - (Direction Régionale Haute-Normandie) Bourse d'aide individuelle à la création.

 

Galerie Pierre Brullé, Paris 2013; Fotoforum, Innsbruck (A) 2015.

Tirages jet d'encre pigmentaire 60 x 42 cm réalisés par l'artiste d'après prises de vues numériques.

 

 

 

ÉTUDES/HUMANITÉS

 

Sans doute la vie et l'œuvre sont un cercle de cercles que l'on sillonne et on finit par revenir là où on a commencé. Pour moi ce fut le portrait et il y a sans doute quelque chose dans Humanités qui renoue avec la procession des modèles du mercredi après-midi, dans les studios aux projecteurs équipés de lentilles Fresnel et plan-convexe, de ma découverte fascinée de la photographie à  seize ans, de ces images que j'ai appelées Primitives.

Mais si c'est retour aux origines, ça l'est aussi sans doute à la source de la photographie, aux premiers daguerréotypes, aux nus de Gustave Legray, aux portraits nus de Bellocq…

Et peut-être même aux origines du dessin que rapporte Pline l'Ancien. Aux études de dessin. Car c'est bien d'études dont il s'agit.

Et encore s'il s'agit d'un cercle c'est sans doute un retour à cette langueur caverneuse de mes premières photographies, de celles d'Empreintes par exemple.

Cette teinte mélancolique rompt avec les couleurs vives et ensoleillées, avec cette espèce de jouissance dionysiaco-tragique et parfois lyrique des séries couleurs précédentes, celles de La revanche de la chair ou de Éloge de l'amour.

Ici la couleur se fait économique, presque monochrome, la lumière sorte de clair-obscur de journées grises et pluvieuses.

Ici lumière du nord, dépouillement, traces et marques du temps, les poses récurrentes et la mise en scène sommaire, les modèles que je ne cherche pas à choisir, que je prends comme elles ou ils viennent, guère trop de sentiment.

Pourquoi ? Je serais bien en peine de l'expliquer, l'air du temps peut-être, le parcours accompli de l'image et de la vie sans doute. Une certaine tristesse.

Toujours cette obsessionnelle quête de la vérité des corps et des visages, des peaux, des êtres. Vérité impénétrable et revêche, qui se défile sans cesse comme elles se dérobent, et qui pourtant affleure de courts moments privilégiés.

Les plaquer là contre un mur gris, une chaise, un lit, le parquet et attendre, espérer la splendeur de la chair.

Jean-Claude Bélégou octobre 2011